Tributes

Laurent Mermet : passeur de frontières négociées pied à pied

Laurent Mermet: strategy as a foundational concept to cross and renegotiate boundaries between research communities.

Written by Sébastien Treyer 

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Article abstract

Abstract –  Laurent Mermet’s research itinerary is both extremely original in the field of environmental studies, and has also provided highly relevant contributions to a diversity of research frontiers, both in France and at the global level. At the boundary between research and action, his work is anchored in the foundational concept of strategy to operate critical analyses on environment management situations, to unveil unsustainability patterns and propose levers for strategic action for change. He has played a key role in various research communities, which this article presents in greater detail: participation, negotiation, evaluation, foresight, as well as in management sciences, economics and ecology. Despite his untimely death in June 2019, his theoretical, conceptual and methodological contributions remain extremely relevant to analyze current crises and transformations in our societies, and to identify pathways for action.

Résumé – Laurent Mermet a construit un parcours intellectuel extrêmement original au sein des communautés de recherche sur l’environnement, autant en France qu’au niveau international, à la croisée entre recherche et action. Centrées sur l’analyse stratégique de la gestion de l’environnement, ses contributions ont animé et alimenté de nombreux collectifs de recherche : sur la concertation et la participation, la négociation, l’évaluation, la prospective, mais aussi au sein de disciplines comme les sciences de gestion, l’économie, l’écologie et la communauté interdisciplinaire que NSS rassemble. Alors qu’il est disparu trop tôt en juin 2019, cet article pointe la diversité et la cohérence de toutes ces contributions, et souligne leur pertinence pour faire face aux crises et transformations en cours dans nos sociétés.

Word by the Natures Sciences Sociétés redaction:

C’est à un partenaire singulier de l’aventure NSS, Laurent Mermet, que nous consacrons cet hommage suite à sa disparition brutale et prématurée l’an passé. Il a été parmi les premiers à s’engager sur la voie alors incertaine que tentait de tracer la revue en offrant une tribune aux chercheurs convaincus que conjuguer sciences et sociétés face aux enjeux environnementaux impliquait le choix de l’interdisciplinarité. Ce que nous rappelle ici son compagnon de route Sébastien Treyer, qui fut aussi son thésard, c’est qu’il fut de tous les combats et de tous les engagements qui ont construit les espaces de réflexion autour des objets et des sciences de l’environnement. Revisiter le parcours de Laurent Mermet, c’est prendre la mesure de la grande diversité d’un champ de recherche et saisir en quoi comprendre pour agir est un appel à l’indiscipline.

La Rédaction

Article in the academic journal « Negociations »

accessible here

2020, by Laurence de Carlo

Negociations, concertations et enseignements pour la protection de l’environnement – en souvenir de Laurent Mermet

Introduction

Le 16 juin dernier disparaissait Laurent Mermet, professeur à AgroParisTech, membre du comité scientifique et auteur de plusieurs articles dans la revue Négociations. A la suite des hommages qui lui ont été rendus dans le dernier numéro de la revue, cet article aborde son approche de la négociation et de la concertation dans le contexte des recherches du champ et du cadre théorique de l’Analyse Stratégique de la Gestion Environnementale (ASGE) qu’il a créé. Une manière de se souvenir d’un collègue connu depuis plus de 20 ans.

Tout d’abord, cet article rend compte du malaise dans la culture de la négociation soulevé par Laurent : celui causé par l’étendue de sa propre culture, qui incluait tout à la fois psychanalyse et management. La référence à l’ouvrage de Freud n’est pas fortuite. Puis est discutée sa mise en exergue de la dimension distributive des négociations et concertations, de même que son analyse des alarmes environnementales qui se multiplient aujourd’hui. On verra que celle-ci peut être intellectuellement stimulante ou engendrer de l’anxiété. Une réflexion pour l’action en matière d’enseignement et de pédagogie sera proposée afin d’éviter une anxiété potentiellement paralysante chez les étudiants. Enfin, dans le contexte des enjeux majeurs posés par la destruction de la biosphère, l’intérêt des travaux de Laurent sera souligné.

Pour en savoir plus, le lecteur pourra se référer non seulement aux écrits de Laurent Mermet, mais aussi aux vidéos de conférences et cours qu’il a postées sur Youtube [2][2]L’article cite également des extraits de deux textes issus de….

1 – Un malaise dans la culture de la négociation

L’approche de la négociation développée par Laurent s’est construite de manière pragmatique : formé tout d’abord à l’écologie, il a constaté les multiples conflits violents dont les projets liés à l’environnement faisaient l’objet aux Etats-Unis dans les années 1970. C’est outre Atlantique qu’il a découvert la médiation environnementale créée pour traiter ces conflits par le dialogue multipartite, puis qu’il a lu les premiers ouvrages sur la négociation édités au début des années 1980, dont le fameux Getting to yes[3][3]Fisher Roger et William Ury (1981), Getting to yes—Negotiating…. Il a ensuite progressivement construit un cadre théorique de la gestion de l’environnement à la fois multidisciplinaire et à visée d’action, la première caractéristique permettant la seconde. Pour ce faire, il s’est inspiré de disciplines peu mobilisées dans ce champ et conçues le plus souvent comme relevant de paradigmes opposés : le management et la psychanalyse.

Pour Laurent, les questions d’environnement relèvent du management :

« Paradoxically, environmental management problems are rarely viewed as… management problems. Ecological, social, political, ethical, geographic, cultural, technological problems and so on, yes, but not problems that would belong to management as a discipline. To me, they are essentially strategic management problems, i. e. a problematique of how to achieve a given level of (here, environmental) performance, by leading organised action, while confronted to competition and opposition ».
(site personnel)

L’action organisée en environnement dont il est question requiert la négociation entre acteurs aux intérêts divergents. Laurent a évoqué (2014 : 148) les réactions de chercheurs en sciences sociales pour lesquels cette conceptualisation interdirait toute lecture critique des processus de décision du fait de son acceptation des relations de pouvoir en place. Or c’est précisément en s’inscrivant dans le champ du management stratégique qu’il a pu proposer une analyse approfondie de la dynamique de ces pouvoirs dans la perspective de la modifier pour préserver l’environnement (site personnel).

Non seulement l’ASGE a-t-elle émergé des multiples collaborations de Laurent avec des chercheurs aux perspectives différentes (Mermet, 1990), de son ancrage dans les sciences de gestion, mais aussi de sa prise en compte de concepts issus de la psychanalyse : l’ambivalence, la projection et le refoulement ont été structurants pour lui.

Il a fait de l’ambivalence le cœur d’un article dans la revue Négociations (2014) : « Elle [la négociation] est fondée sur une relation à la fois adversative et coopérative, faite de deux composantes de sens contraire – c’est pourquoi nous parlons ici d’ambivalence » (2014 : 151). Ainsi, Laurent a basé son ASGE sur la conception d’un diagnostic stratégique qui « donne sens à la situation en en proposant une lecture à la fois réaliste et actionnable » (idem), sachant que les dimensions réalistes et actionnables sont également « de sens contraire » : l’une implique la prise en compte de la complexité des phénomènes tandis que l’autre motive à les simplifier pour pouvoir agir.

Le concept de projection lui a permis d’analyser finement les critiques de la négociation et de ne pas rejeter ses théories par projection :

« Et dans le champ de la recherche, lequel n’a jamais été confronté au malaise que suscite souvent la notion de négociation, ou sa pratique elle-même, chez maints chercheurs en sciences sociales ou en gestion ? Perçue tantôt comme inopportunément adversative, tantôt comme une compromission là où s’imposerait la confrontation, la négociation fonctionne parfois comme un écran flou sur lequel certains projettent ce qu’ils rejettent ».
(Mermet, 2014 : 148)

Par ailleurs, il a intitulé un chapitre d’une conférence « le refoulement du distributif » (2018a) pour désigner un impensé : pour lui, les multiples alertes actuelles sur l’état de la planète éludent le fait que les êtres humains n’agissent pas tous de concert dans un « nous » indéfini. Leurs auteurs refoulent la dimension distributive de la gestion de la catastrophe environnementale qu’ils annoncent.

On voit que Laurent n’adhérait pas à un « psychologisme » qui réduirait l’être humain à sa dimension individuelle et intrapsychique (de Carlo, 2009). Mais plutôt la reconnaissance des phénomènes intrapsychiques et interactionnels dans une perspective sociopolitique conçue stratégiquement lui a-t-elle permis de proposer une conceptualisation originale de la gestion de l’environnement. En effet, Laurent ne confondait pas individualisme et individuation. Au cours du processus d’individuation, la construction de la subjectivité et la participation à la vie politique d’un individu se construisent toutes deux dans ses relations aux autres (Fleury, 2015). L’intérêt de Laurent pour la négociation, laquelle permet de verbaliser des convergences et divergences dans le cadre de relations humaines structurées, prend ici une dimension épistémique.

L’originalité de ces références, et de la pensée sur lesquelles elle s’est construite, ont pu ainsi créé un malaise dans la culture de la négociation. Comme Freud dans Malaise dans la civilisation (2010, première édition 1930), Laurent reliait phénomènes sociaux et psychiques sans réduire l’un à l’autre. Comme Freud aussi, il attribuait une place prépondérante à la dimension conflictuelle des relations humaines.

2 – Le rôle majeur joué par la dimension distributive des négociations et concertations

Pour Laurent, la négociation est fondamentalement à la fois intégrative et distributive. De même pour la concertation, définie comme « le domaine de l’action (de la gestion, de la politique, de la décision, etc.) partiellement négociée, partiellement débattue et délibérée » [4][4]Le concept de concertation ainsi brièvement défini sera utilisé… (2006 : 77).

En matière de négociation d’abord, Il n’a pas ménagé les approches centrées sur sa dimension intégrative et son processus :

« […] ces approches centrées sur le processus sont devenues depuis le début des années 90 le paradigme dominant des recherches sur la négociation. […] tendant à devenir trop exclusive, cette domination peut déboucher sur des visions tronquées, voire mystificatrices, de la négociation. Qu’il suffise pour le moment de souligner que ces approches sont porteuses, de façon explicite ou implicite, ne serait-ce que par leurs hypothèses fondatrices et leurs modes d’investigation, d’un message normatif qui peut virer à la ritournelle idéologique. Mal comprises elles peuvent en effet donner à croire qu’un processus approprié de négociation permet de dépasser les asymétries de pouvoir et les stratégies adversatives et distributives ».
(site personnel)

Il a également souligné la dérive idéologique que le statut accordé aux concertations en aménagement et environnement peut engendrer :

« Ce qui frappe dans les discours d’acteurs comme dans les recherches sur la concertation au début des années 2000, c’est un horizon d’attente largement partagé, fondé sur deux idées. Premièrement, les innovations en matière de concertation auraient par elles-mêmes une capacité à transformer de façon profonde les processus de l’action publique, et c’est par la voie de la transformation des processus et procédures que l’on espère déboucher sur un changement substantiel du contenu des décisions et de l’action. […] La seconde idée est celle d’une synergie fondamentale entre démocratie participative et action efficace pour l’environnement ».
(site personnel)

La dimension idéologique qui sous-tend une telle conception de la concertation est propre, selon lui, à instaurer l’illusion de sa toute-puissance pour l’action publique et environnementale. C’est en effet un risque, qui peut être évité en situant la concertation dans une perspective ancrée dans l’analyse des processus de décision sur le temps long.

Dans cette perspective, la dimension idéologique de la concertation n’est pas considérée comme uniquement négative. Celle-ci peut être assumée dans un premier temps afin de favoriser un dialogue entre parties prenantes visant un impact sur les projets concernés. Il ne s’agit pas de minimiser les autres formes d’action, hors processus de concertation, lesquelles cherchent à équilibrer les rapports de pouvoir, ni d’affirmer l’absence d’intérêts et de représentations différents dans le cadre même des concertations. Mais plutôt de considérer la concertation comme un levier d’action dont la dimension intégrative, qui en fait la spécificité, doit être volontairement mise en avant dans un premier temps, dans le cadre d’une forme d’idéologie assumée. Assumer cette idéologie ne signifie pas viser à tout prix le consensus mais chercher à ce que des parties prenantes aux intérêts divergents échangent en priorité dans le cadre d’un dialogue informé.

Comme en l’absence de concertations, si celles-ci ne sont qu’instrumentalisées sans effets socio-environnementaux significatifs, les divergences s’expriment dans l’espace public par des oppositions et propositions alternatives [5][5]Voir en particulier le rôle joué par les conflits autour du….

Laurent adopte d’ailleurs en 2015 cette perspective élargie de la concertation dans la conclusion, rédigée avec Denis Salles, de l’ouvrage présentant les recherches de la seconde phase du programme Concertation, Décision, Environnement[6][6]Programme de recherche financé par le Ministère de la… dont il a présidé le conseil scientifique:

« Au total, si l’on considère (1) les limites intrinsèques de la concertation environnementale confrontée à certains problèmes qu’elle ne peut résoudre, (2) les instrumentalisations stratégiques de la concertation par certains maîtres d’ouvrage et les débordements militants auxquels elles conduisent et (3) les convergences aujourd’hui émergentes entre les injonctions à l’autonomie et des recherches par des collectifs d’alternatives “hors système”, la concertation ne peut plus être ni comprise, ni conduite si on ne la replace pas dans une perspective politique élargie qui inclut ces débordements de diverses natures pour embrasser une vue d’ensemble de l’action collective et des processus de décision en environnement ».
(Mermet et Salles, 2015)

De plus, la valorisation a priori de la dimension intégrative des concertations prend un sens particulier si la préservation de l’environnement n’en constitue pas le seul enjeu aux côtés du développement économique priorisé par les maîtres d’ouvrage. Le dialogue informé, structuré et garanti qu’elles proposent permet d’inscrire dans les débats l’enjeu de justice sociale et territoriale et les parties prenantes qui le portent, à l’heure où une urgence environnementale conçue comme pensée unique (Mermet et Feger, 2019) pourrait aggraver des inégalités déjà prégnantes.

Qu’en est-il de la posture des chercheurs du champ quand cette dimension intégrative est ou n’est pas valorisée dans un premier temps ? Quelle posture devraient-ils assumer par rapport aux stratégies distributives des acteurs? Pour Laurent (2005 : 24) :

« […] la voie de recherche que nous proposons ici soulève de manière frontale la question du rôle de l’analyste, de ses relations avec la négociation. […] en explicitant ses propres critères d’analyse qui sont aussi, inévitablement, des critères d’évaluation, le chercheur s’éloigne de l’attitude d’effacement et des formes reçues d’impartialité qui sont la norme dans la conjoncture actuelle de « l’empire du sens » (Dosse, 1995), où l’on fait comme s’il ne pouvait s’agir, pour la recherche, que de mieux comprendre les perspectives des acteurs eux-mêmes ».

Pour Laurent, le chercheur-analyste doit construire et expliciter ses propres critères d’analyse, exhaustifs, sur le modèle de la comptabilité analytique (Mermet, 2005). Ainsi dévoile-t-il les ambivalences et ambiguïtés des relations de négociation étudiées. Or, dès lors qu’il construit un tel cadre d’analyse, le chercheur s’inscrit, de par sa légitimité issue de son expertise en analyse stratégique, dans la maîtrise intellectuelle de l’ensemble des stratégies des acteurs. Quelles que soient ses intentions, le cadre d’analyse qu’il développe prend le statut de connaissance totale par rapport aux négociateurs. Un tel cadre d’analyse peut confronter brutalement les négociateurs détenteurs d’un pouvoir important hors du cadre de la négociation. Il peut ainsi les engager à passer en force, leur pouvoir étant en quelque sorte défié par celui pris par le chercheur-analyste. Le cadre d’analyse pourrait aussi être rejeté de manière défensive par certains négociateurs faute d’avoir été amené au moment opportun dans la dynamique de négociation. D’autant plus que souvent, une fois un cadre d’analyse construit, il apparaît difficilement évolutif du fait que son auteur a tendance à s’identifier à lui.

Ainsi, pour Laurent, reconnaître les processus ambivalents et ambigus des négociations et concertations (2006 : 78) signifiait que le chercheur les prenne en charge de front pour apporter une contribution essentielle à la recherche (2014 : 158). Cette reconnaissance ne passe pas selon moi par leur dévoilement aux négociateurs sous forme d’un cadre d’analyse exhaustif défini par un chercheur se situant comme une des parties prenantes. Il s’agit plutôt pour le chercheur de les conceptualiser et d’en accepter au moins une partie, dans la perspective de ne pas exacerber la dimension distributive des négociations, au risque qu’elles reproduisent les relations de pouvoir préexistantes hors négociation.

Ceci ne signifie pas qu’aucune grille d’analyse des négociations et concertations ne doive être construite. En concertation, une ou plusieurs grilles d’analyse peuvent être conçues progressivement avec l’aide d’un tiers légitimé par exemple par une organisation indépendante, i. e. un garant-facilitateur. En négociation, avec celle d’un tiers légitimé par exemple par l’ensemble des négociateurs, i. e. un médiateur. Dans les deux cas, la construction de cette (ou ces) grille(s) d’analyse est réalisée en s’appuyant sur le cadre garanti par le tiers [7][7]En particulier, les garants de concertations désignés par la… et dans la dynamique des interactions entre et avec les parties-prenantes, dont, le cas échéant, des chercheurs aux modèles d’analyse différents. Il ne s’agit ici ni d’effacement des chercheurs, ni d’action collective idéalisée qui gommerait toute divergence.

Laurent n’a pas spécifiquement travaillé sur les tiers-garants de concertation. Pourtant, la manière dont ils prennent en charge les ambivalences et ambigüités des concertations influe sur leurs processus et résultats. Garante d’une concertation sur un projet ferroviaire conflictuel, je n’ai pas analysé précisément les stratégies d’opposition au projet développées par des participants en dehors du processus de concertation (de Carlo, 2018). Ces stratégies s’inscrivent selon moi dans l’espace de liberté des participants qui n’a pas à être maîtrisé intellectuellement par le garant d’un cadre hors duquel elles se situent. C’est l’information que j’ai communiquée à ceux qui ont souhaité connaître ma position sur ce sujet. Dans cette perspective, il ne s’agit pas pour le garant de mettre au jour des stratégies qui feraient apparaître des contradictions, mais plutôt d’accepter l’ambivalence des positionnements. Une telle posture paraît particulièrement adaptée dans notre culture imprégnée du principe de non-contradiction aristotélicien (de Carlo, 2009, 2018) pour lequel les contradictions constituent des incohérences à éliminer. Sans qu’un lien de cause à effet ne puisse être démontré, les acteurs locaux opposés au projet hors cadre de la concertation ont fait dans son cadre des propositions étoffées en termes d’enjeux à aborder et de manières de les traiter.

3 – La critique des alarmes environnementales : stimulation intellectuelle ou anxiété

L’ASGE développée par Laurent a contribué à l’engagement de nombre de ses anciens élèves qui se sont appuyés sur ses travaux pour œuvrer dans le champ de l’environnement. Il leur a fourni des outils conceptuels et méthodologiques pour penser la gestion de l’environnement au service de l’action. Plusieurs d’entre eux exercent des responsabilités à l’IDDRI [8][8]Laurent Mermet était membre du comité scientifique de l’IDDRI… (Laurans, 2019), dont son directeur Sébastien Treyer avec lequel j’ai coordonné, à l’initiative de Laurent, un dossier spécial dans cette revue [9][9]Simulations de négociation : quels apports pour la recherche et….

En particulier, Laurent a formulé une analyse critique des alarmes environnementales actuelles qui suscite la réflexion, y compris dans d’autres contextes. En se référant aux discours de l’astrophysicien Aurélien Barrau, Laurent (2018a, 2018b) met en question le fait que tous les habitants de la planète vont souffrir de sa destruction. Pour lui, c’est une erreur de considérer l’humanité comme un tout, un « nous » qui ne reflète pas les relations de pouvoir et les conflits qui vont s’exacerber quand chacun voudra « s’en sortir », nécessairement au détriment d’autres [10][10]Voir aussi le climate apartheid annoncé par le rapporteur…. Chaque groupe social voudra subir le moins possible et si possible profiter de la catastrophe environnementale. Ainsi, les groupes les plus puissants économiquement et politiquement pourraient le devenir encore plus. Autrement dit, les négociations et concertations en matière d’environnement doivent plus que jamais prendre en compte leur dimension distributive, laquelle n’est pas envisagée dans ces alarmes. D’où la nécessité évoquée plus haut de faire au moins une place à l’enjeu des inégalités sociales et territoriales dans les concertations.

Laurent (Mermet et Feger, 2019) définit les trois principaux bénéfices secondaires reçus par les alarmistes selon lui: l’illusion d’être utile alors que cet alarmisme ne dispose pas de théorie de l’action et exhorte plutôt celle des seuls pouvoirs publics ; une posture moraliste qui place les alarmistes « du bon côté de la force » sans pour autant qu’ils ne sacrifient quelques avantages significatifs, ou même en leur permettant d’en acquérir de nouveaux, comme une plus grande notoriété, une meilleure rémunération ou un pouvoir accru ; l’impression diffusée ainsi qu’alarmer constitue en soi une action, ce qui en fait la bloque. Son analyse fine invite à l’analogie.

Des initiatives « bloquantes » donnent l’illusion de provoquer le changement dans d’autres champs, comme celui de l’intrapreneuriat. Fabrice Cavarretta (2019) montre que l’intrapreneuriat dans une grande entreprise demeure le plus souvent prisonnier du paradigme taylorien, sans lien avec celui qu’il nomme « le paradigme de l’effectuation » : un « tourbillon d’activités s’y déroulent», comme par analogie se développent une multitude d’alarmes environnementales, lesquelles « ne conduisent pas forcément à l’émergence de nouvelles activités qui prennent appui sur les forces intrinsèques de l’entreprise », ce qui correspond à l’effet bloquant des alarmes exprimé en termes plus radicaux par Laurent.

Ces recherches incitent à analyser l’impact de la montée des préoccupations environnementales sur la gouvernance des organisations : que deviennent les forces intrinsèques œuvrant dans la perspective de la protection de l’environnement à l’heure où celle-ci devient un enjeu de pouvoir? Les nouvelles stratégies qui valorisent la protection de l’environnement s’appuient-elles sur leurs compétences et expériences dans le cadre de concertations et négociations ? Ou bien dans quelle mesure ces forces intrinsèques sont-elles marginalisées au profit d’acteurs qui s’emparent d’un nouvel espace de pouvoir et en reçoivent des bénéfices secondaires dans un tourbillon d’activités sans impact significatif sur l’environnement?

Clément Feger a interrogé Laurent (2019) sur l’impact des alarmes environnementales : les solutions alternatives locales y sont souvent promues. Les discours ne se limitent donc pas au seul appel aux pouvoirs publics. Pour Laurent, ces initiatives locales sont en effet intéressantes, mais les choix à faire et leurs conditions de mise en œuvre demandent une réflexion qui n’est pas proposée par les alarmistes. On peut arguer que les alarmistes ne prétendent pas être des experts à même de proposer une réflexion pour l’action. Ils jouent pourtant un rôle non négligeable pour sensibiliser des publics très variés aux enjeux de la protection de la biosphère. Pour Laurent, la phase de sensibilisation était dépassée. Une analyse sans doute liée au fait qu’il travaillait depuis plusieurs dizaines d’années dans le champ de l’environnement et enseignait à des étudiants déjà tous sensibles au vivant. Il m’apparaît plutôt que cette sensibilisation doit être poursuivie. L’intérêt des multiples alarmes actuelles permet non seulement de sensibiliser de nouveaux publics sur différents enjeux de la protection de la biosphère, mais elles peuvent également devenir la première étape d’une dynamique menant à l’action, comme on le verra dans l’enseignement supérieur.

Ainsi, cette analyse critique des alarmes environnementales est-elle intellectuellement stimulante. Toutefois cette stimulation intellectuelle est conditionnée. Comme l’évoque Clément Feger (2019), adhérer à la vision de Laurent implique d’assumer une angoisse sans toutefois être bloqué par elle. L’angoisse de la confrontation à une catastrophe environnementale dont l’atténuation est bloquée par les multiples alarmes actuelles et pour laquelle n’existe pas de solution miracle. En effet, nous n’avons pas tous, en tant qu’individus et aux différentes phases de notre vie, la même capacité à assumer une telle angoisse ou même une certaine anxiété. Chez certains étudiants, et pas uniquement, une telle approche peut engendrer une anxiété susceptible de devenir bloquante [11][11]A la question « Vous personnellement, en pensant au phénomène….

La dimension potentiellement bloquante des enseignements centrés sur la protection de la biosphère met en évidence l’enjeu de leur pédagogie.

4 – Pour une pédagogie de la protection de la biosphère tournée vers l’action

Il me semble nécessaire, pour échanger avec d’autres, et surtout dans un cadre pédagogique, d’assumer que la catastrophe environnementale n’est pas notre seul avenir, d’autant moins que l’impact des alarmes n’est pas uniquement bloquant, même s’il est limité. Compte-tenu des bouleversements annoncés par le GIEC, une telle posture relève sous certains aspects de l’illusion, assumée. Avec les étudiants qui ont conscience de l’ampleur de ces bouleversements, afin de ne pas risquer qu’un sentiment d’impuissance ne bloque leur capacité de pensée ; avec ceux qui n’y sont pas encore sensibilisés, afin qu’ils ne se détournent pas de manière défensive d’une vision catastrophique qui leur apparaîtrait irréaliste. Assumer une telle illusion nous aide aussi tous à vivre et travailler, tout en étant paradoxalement conscients qu’il s’agit sous certains aspects d’une illusion.

Cette posture renvoie à la proposition développée plus haut de valoriser dans un premier temps la dimension intégrative des concertations dans le cadre d’une idéologie assumée, et à ce que François Dubet nomme une « fiction nécessaire » (2002 :17) au métier d’enseignant du premier et second degré:

« Le travail enseignant participe d’un type général d’activité que l’on peut définir comme un travail sur autrui. […] Cette activité n’est possible que si les acteurs qui l’accomplissent croient à un certain nombre de valeurs ou de fictions qui rendent leur travail possible. En dépit du poids de la culture critique aujourd’hui, ils doivent croire que la connaissance libère quand ils enseignent, […] ils doivent croire à l’égalité fondamentale des élèves… Ils doivent d’autant plus y croire que, sans cela, les élèves n’y croiraient pas eux-mêmes or il est indispensable d’obtenir leur consentement. Même si les institutions ont perdu une large part de leur sacré, elles ne fonctionneraient pas sans une parcelle de magie et de convictions nécessaires au déroulement de l’activité ».

Les enseignements traitant de la protection de la biosphère dans l’enseignement supérieur requièrent également « une parcelle de magie et de convictions », mais qui se différencie de celle définie par François Dubet pour le primaire et le secondaire. Tout d’abord, les étudiants sont plus âgés, plus mûrs et disposent de plus de connaissances que les élèves. Ensuite, la « fiction nécessaire » porte non pas sur les fondements de l’école, mais sur la vision de l’avenir de la planète proposée en premier lieu aux étudiants. Non pas une catastrophe certaine et inéluctable, mais un bouleversement majeur face auquel il est possible d’agir pour l’atténuer et s’adapter. La « fiction nécessaire » peut être dans un second temps et progressivement abordée au cours de leur apprentissage, en fonction de leurs questionnements à ce sujet. Ceci nécessite que l’enseignant accepte dans un second temps de mettre au jour et de définir l’intérêt et les limites de cette illusion avec ses étudiants quand ils la mettent en évidence. L’enseignant peut aussi susciter des échanges à ce sujet au moment opportun, afin de ne pas bloquer la capacité de réflexion et d’action de certains d’entre eux.

La posture de l’enseignant se rapproche ainsi de celle du garant-facilitateur d’une concertation, i. e. un acteur non pas surplombant, mais qui assume la définition et la garantie du cadre et des objectifs pédagogiques du cours (de Carlo, 2012), ainsi que ses connaissances spécifiques, et nécessairement limitées sur un thème qui mobilise de multiples disciplines.

La question de la pédagogie de la protection de la biosphère se pose aujourd’hui de manière accrue. En effet, s’appuyant sur le Manifeste étudiant pour un réveil écologique[12][12]Lancé par un groupe d’étudiants de plusieurs grandes écoles et… lancé en 2018 et sur l’Appel pour former tous les étudiants du supérieur aux enjeux climatiques et écologiques[13][13]Lancé par le Shift project et signé par plus de 80 dirigeants… qui lui a succédé en 2019, une proposition de loi visant à généraliser l’enseignement des enjeux liés à la protection de la biosphère dans le supérieur a été signée par plusieurs dizaines de députés et déposée le 25 septembre 2019 à l’Assemblée Nationale par Delphine Batho, Matthieu Orphelin et Cédric Villani [14][14]Proposition de loi « relative à la généralisation de….

Des connaissances de base sur l’énergie, la biodiversité et le climat peuvent, et doivent, être transmises à grande échelle sous forme de conférences, jeux d’initiation, applications pour smartphones, etc. Mais cette transmission ponctuelle de connaissances ne saurait suffire à permettre aux étudiants de se forger une vision des enjeux de la protection de la biosphère et, s’ils le souhaitent, de l’opérationnaliser dans leur vie professionnelle afin de contribuer à atteindre des résultats concrets pour l’environnement.

Dans le contexte des écoles de management en particulier, les cours obligatoires dans les disciplines centrales devraient aborder les fondements paradigmatiques des théories, méthodes et indicateurs enseignés et proposer ceux qui incluent la préservation de la biosphère. Ainsi, les étudiants pourront développer leur esprit critique et leur propre vision du monde pour mieux choisir leur mode d’engagement dans la société. De plus, pour ceux qui veulent s’engager plus avant dans la protection de la biosphère, un parcours de formation identifié devrait leur proposer des cours et modules mobilisant à la fois leur esprit critique et leur volonté d’agir et d’innover dans le cadre de leurs futurs métiers ; sans leur donner l’illusion de la toute-puissance grâce à des simplifications abusives, mais également sans susciter de blocage par sentiment d’impuissance, comme abordé plus haut.

Dans une telle pédagogie, les étudiants sont considérés comme des individus capables de réflexion et d’action, ni tout-puissants ni sans ressource (de Carlo, 2012), inscrits dans un processus d’individuation qui leur permettra de contribuer à préserver la démocratie (Fleury, 2015) et son pluralisme. Il ne s’agit pas de vouloir modifier leurs comportements dans une perspective behavioriste et paternaliste, comme certains outils cherchent à le faire pour l’ensemble des citoyens dans le domaine de l’environnement. Mise en œuvre à grande échelle, sans débat démocratique ni précautions suffisantes, une telle perspective comporte en effet un risque de dérive autoritaire, les citoyens devant s’y conformer à un bien commun défini par d’autres, la protection de l’environnement ici aujourd’hui ou le contrôle social généralisé déjà ailleurs.

J’ai cherché à mettre en œuvre une telle pédagogie en créant à l’ESSEC en 2009 le cours électif Enjeux de la gestion de l’eau, soutenu par l’Agence de l’Eau Seine Normandie, cours dont le thème a été modifié en 2015 pour devenir Enjeux de la transition énergétique. Après la transmission de connaissances de base, les étudiants y sont accompagnés dans la problématisation de thèmes de leur choix relatifs à la transition énergétique, sous condition de s’inscrire dans la perspective de l’action. Ils mobilisent pour ce faire les connaissances et expériences d’experts et acteurs multiples, dont certains interviennent en cours.

De tels cours permettent aux étudiants non seulement d’appréhender quelques-uns des principaux enjeux de la préservation de la biosphère et de s’en forger leur propre vision, mais aussi, en se situant par rapport aux experts et acteurs concernés, d’envisager le rôle qu’ils veulent et peuvent jouer professionnellement par rapport à ces enjeux. Ces cours constituent une assise pour développer, pour les étudiants qui le souhaitent, un projet professionnel dans ce champ ou pour enrichir un projet professionnel en y incluant cette dimension ; qu’il s’agisse de créer une structure, start-up ou coopérative, d’assumer un poste dans une entreprise ou de s’engager dans des missions de conseil.

La dimension pédagogique de la protection de la biosphère, comme les tiers-garants, ne faisait pas partie des thèmes de recherche de Laurent. On voit ici que les principes de la concertation avec tiers-garant peuvent inspirer la conception de pédagogies centrées sur la réflexion pour l’action dans ce domaine. Celle-ci implique d’assumer dans un premier temps une « fiction nécessaire », en analogie avec celle qui conduit à valoriser en premier lieu la dimension intégrative des concertations ; dans une dynamique pédagogique pour l’une, dans celle de l’évolution des modes de décision pour l’autre.

5 – Conclusion : pertinence de l’approche de Laurent Mermet face aux enjeux politiques et environnementaux actuels

Si l’approche de Laurent est source de discussions, c’est que son originalité suscite la réflexion. Cette originalité persiste encore aujourd’hui à plusieurs titres.

En effet, il a inscrit les théories de la négociation dans une perspective politique. Pour lui, « le changement d’un système passe avant tout par l’action stratégique d’un acteur sur les autres » (site personnel) contrairement aux approches centrées sur l’action collective. Contrairement à ce que pourrait laisser penser une lecture trop rapide de l’ASGE, ceci ne signifie pas que sa vision du monde était uniquement adversative. Mais bien plutôt qu’il est nécessaire pour l’acteur de changement d’assumer en premier lieu une posture de groupe de pression, soit de partie prenante visant le pouvoir d’agir au profit de l’environnement. Ce faisant, dans un contexte démocratique pluraliste, cet acteur doit reconnaître l’existence d’autres groupes de pression et accepter de dialoguer avec eux afin de prendre ensemble, si possible, des décisions qui protègent l’environnement. La dimension intégrative n’est pas absente mais seconde et conditionnée par l’acceptation du pluralisme dans la perspective politique de l’ASGE.

Ensuite, si sa critique de l’idéologie intégrative portée par le champ de la négociation et de la concertation peut être discutée comme on l’a fait, elle n’en demeure pas moins une source de vigilance nécessaire par rapport aux multiples instrumentalisations possibles dont les négociations et concertations peuvent faire l’objet.

De même, si la critique des alarmes environnementales portée par Laurent a été également discutée, elle apparaît particulièrement pertinente si celles-ci sont émises par des acteurs qui disposent d’un pouvoir déterminant dans les organisations et institutions. Dans ce cas, de telles alarmes peuvent remplacer la mise en œuvre de stratégies d’action clairement définies et les choix de décisions et d’investissements cohérents qu’elles impliquent. Ces alarmes conduisent alors à accroître le bruit et le brouillard autour de la destruction de la biosphère et contribuent à engager les organisations et institutions dans de multiples actions incohérentes, coûteuses en temps et en ressources, sans que leurs différents impacts aient été sérieusement identifiés et anticipés dans une perspective stratégique.

De plus, L’ASGE contribue à faire sortir les théories de la négociation de la seule idéologie néolibérale dans laquelle elles sont enfermées pour de nombreux chercheurs en sciences sociales. Laurent connaissait très bien ces théories, leur histoire et les conditions et contextes de leur émergence. Il a ainsi pu non pas les importer aveuglément en France dans le domaine de l’environnement, mais plutôt en relever les dimensions pertinentes pour la réflexion et l’action dans ce champ, dans l’objectif prioritaire pour lui de préserver la biosphère :

« S’agissant de l’ASGE, cette lecture se fonde sur la considération d’un résultat écologique attendu de la gestion (par exemple, des nappes phréatiques propres, la conservation de telle espèce animale ou végétale, de tel type de milieu, etc.), et de la capacité du fonctionnement à délivrer ou non ce résultat attendu ».
(site personnel)

Enfin, L’ASGE s’inscrit dans une perspective de réflexion et d’action indissociables, ce qui demeure encore aujourd’hui une gageure. Cette double perspective a été rendue possible par la posture spécifique de Laurent, qui concevait la réflexion comme devant être menée aussi bien dans l’analyse que dans l’action stratégique, et la stratégie comme objet à la fois de réflexion et d’action. Cette posture, discutée dans l’article, a le mérite de rappeler l’enjeu de la porosité à développer entre chercheurs et acteurs. Comme Laurent l’a écrit dans cette revue (2009 : 130) :

« Par la double valence qui la fonde, à la fois coopérative et adversative, la négociation ne peut être bien comprise et bien menée que si, à tout moment de l’analyse comme de l’action (sic), on garde la pleine conscience des potentialités de l’affrontement autant que de la coopération – bref, de la configuration de composition tout entière ».

Une approche théorique à diffuser et discuter encore et une posture à promouvoir pour contribuer à ce que les discours et initiatives valorisant la protection de la biosphère s’accompagnent d’effets plus significatifs sur l’environnement dans le contexte, pour leurs auteurs, d’un dialogue avec les porteurs d’autres enjeux, économiques et d’inégalités sociales et territoriales.

Tribute by AgroParisTech

Maya LEROY

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Laurent Mermet, professeur de sciences de gestion à AgroParisTech est décédé le 16 juin 2019 à l’âge de soixante-quatre ans.

Nous tenons à rendre hommage à cet esprit libre, dont le départ, pour la communauté et notre établissement, est une grande perte et une immense tristesse.

Ses recherches ont consisté à explorer, et à construire un point de vue nouveau sur la question de l’environnement : l’étude des stratégies de gestion des systèmes naturels, d’en poser les bases théoriques et de proposer des méthodes pour son étude approfondie et systématique. Il élabore alors les fondements de l’analyse stratégique de la gestion de l’environnement (ASGE). Il développe des travaux décisifs dans le champ de la concertation, la négociation et la décision en matière d’environnement, ainsi qu’en évaluation de politiques publiques, en prospective, et en comptabilité environnementale.

Outre la rigueur et l’attention qu’il a consacrées à l’encadrement de très nombreux étudiants, ingénieurs, masters, jeunes professionnels, et docteurs nous tenons à saluer sa capacité à partager et transmettre le plaisir de penser, avec force et liberté, sans compromis avec les faux-semblants. Avec une exigence sans faille, il a accompagné des recherches créatives et parfois aventureuses dans la cadre des thèses, et il a permis de développer des programmes de recherche et d’enseignement innovants pour soutenir l’action et les stratégies de gestion de l’environnement.

Son parcours a été mû par une préoccupation constante : l’insatisfaction quant à la façon dont sont gérés l’environnement et les ressources naturelles, et donc le désir de comprendre les difficultés auxquelles se heurte leur gestion, et de définir des moyens pour y remédier. Son itinéraire professionnel est aussi le témoignage de sa volonté d’approfondir et de mieux fonder l’interdisciplinarité dans l’étude des rapports homme-nature, et de rapprocher la recherche et l’action, mais aussi de saisir les mouvements du monde.

Elève de l’Ecole normale supérieure en écologie végétale, ses premières expériences sur la modélisation de la croissance du Pin Sylvestre, puis sur la régénération de la forêt guyanaise après coupe à blanc, l’ont convaincu que les limites des connaissances scientifiques n’étaient pas le facteur limitant principal de la bonne gestion de l’environnement, pas plus d’ailleurs que leur traduction en termes techniques, suite à son expérience à la cellule « études d’impact » du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières).

Il s’est alors intéressé à l’analyse transactionnelle avant de s’orienter sur la décision en matière d’environnement. Il a contribué, au sein du bureau d’étude SCORE, à l’élaboration des premiers travaux sur la gestion patrimoniale. Son intérêt pour l’analyse des conflits d’environnement l’a conduit à l’IIASA (International Institute for Applied Systems Analysis) où il a travaillé sur les processus de la négociation internationale, et a développé ses premiers exercices de simulation prospective. Il a étudié également la place des évaluations économiques dans la décision. Sur ces bases il a créé son propre bureau d’étude, AScA (Application des sciences de l’action), juste avant de soutenir sa thèse « La nature, jeu de société – une analyse stratégique pour la gestion de l’environnement » à l’Université Paris IX-Dauphine, dont il a tiré un livre. Il a poursuivi le même fil conducteur avec sa jeune équipe, jusqu’à son recrutement comme professeur à l’ENGREF (Ecole nationale du génie rural des eaux et des forêts) après avoir passé son habilitation à diriger des recherches en sciences de gestion. Il crée alors le groupe de Recherche en gestion sur les territoires et l’environnement (RGTE) en lien avec le CIRED (Centre international de recherche sur l’environnement et le développement).

En 2007, à la création d’AgroParisTech il assure la présidence du département de Sciences économiques, sociales et de gestion, et crée le mastère spécialisé PPSE (Politiques publiques et stratégies pour l’environnement). En 2017 son équipe à Paris fusionne avec celle de Montpellier GEEFT (Gestion environnementale des écosystèmes et forêts tropicales) pour créer l’UFR de Gestion de l’environnement. Longtemps associé au CIRED, il a également été chercheur au CERSES (Centre de recherche sens, éthique et société), puis au CESCO (Centre d’écologie et des sciences de la conservation). Toujours dans le même souci de maintenir un lien étroit entre recherche et action, et d’équiper les acteurs d’environnement dans leurs stratégies, il a été membre de plusieurs conseils scientifiques en particulier à l’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales), au Conservatoire du littoral, et à la Tour du Valat. Il a contribué également pour l’AFD (Agence française de développement) à la réflexion sur le tournant environnemental de l’aide publique au développement ainsi que sur les outils économiques pour la biodiversité. Il a collaboré et entretenu de riches échanges avec des chercheurs à l’international notamment de l’Université d’Oxford, de Cambridge et de Stanford.

Laurent Mermet, a produit de très nombreux articles et ouvrages, et a mis la totalité de ses travaux et une grande partie de ses enseignements en ligne, dans une volonté de mettre sa réflexion largement en discussion, et ce, jusqu’au bout de sa vitalité. Il laisse aussi derrière lui le fruit d’un travail collaboratif et une équipe qui continuera à déployer recherches et enseignements dans le champ de la stratégie en gestion de l’environnement, et à équiper les jeunes générations pour répondre à l’urgence d’agir efficacement pour la protection des écosystèmes.

Toutes nos pensées vont à sa famille, à ses proches, ses amis, ses collègues.

Tribute by IDDRI

Auteur: Yann Laurans

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Laurent Mermet, membre éminent du conseil scientifique de l’Iddri, vient de décéder. L’Iddri tient à rendre hommage à celui qui a inspiré, soutenu et enrichi l’action et les stratégies de nombreux acteurs qui s’engagent pour l’environnement. L’Iddri est l’un de ces acteurs, et beaucoup de nos propositions et de nos manières de voir et d’agir dans le champ d’action pour l’environnement ont été influencées par l’aventure intellectuelle de Laurent Mermet, qui a également été le compagnon de route, l’initiateur et le formateur d’une partie des membres actuels et passés de l’Iddri.

Un parcours au plus près de la nature

Son enfance en Alsace l’initie à une fréquentation enthousiaste et passionnée de la nature. Il devient ainsi ornithologue passionné dès sa jeunesse, passion qui l’a par exemple conduit à traverser une partie de l’Europe sur une mobylette ou à camper sur des îles flottantes du delta du Danube.

Elève brillant, il intègre l’Ecole normale supérieure en biologie et se spécialise en écologie forestière. Son désir profond et personnel de cohabitation avec la nature le conduit à constater, lors de son stage forestier en Guyane, que la connaissance scientifique est limitée dans ses capacités à agir pour préserver son objet, si elle ne s’accompagne pas d’une compréhension des jeux de pouvoir, d’un équipement pour penser les questions stratégiques, enfin d’un engagement personnel à faire « bouger les lignes » dans la direction de son objectif. Il se tourne alors vers la réflexion stratégique et l’intervention dans les politiques publiques, à travers sa participation à une équipe innovante, le cabinet SCORENA, et passe un an à l’International Institute for Applied Systems Analysis  (IIASA, organisme de coopération scientifique internationale basé en Autriche, qui aura marqué son parcours). À l’instigation notamment, de Claude Henry, il découvre l’intérêt de « renverser la charge de la preuve » en ce qui concerne les politiques et projets qui dégradent l’environnement, en s’intéressant de près à leur rationalité. Plutôt que de tenter de défendre une « valeur » de la nature qu’il pense plutôt une question de désir et de sens de l’existence collective, il questionne l’intérêt, souvent bien mal assuré, des projets et des programmes qui la menacent.

Il ajoute une thèse en gestion à son palmarès d’ancien élève de Normale, et, pour mettre ses idées en action, fonde le cabinet AScA. Il s’y distingue notamment sur les dossiers des barrages projetés dans le sud-ouest de la France, à la justification technico-économique discutable, puis réalise, pour le compte du préfet Bernard, la première évaluation de la politique des zones humides qui marque une époque de la politique environnementale française. Dans la même veine, il démonte le système d’acteurs qui préside à la disparition de la souche d’ours des Pyrénées. Il est habilité à diriger des recherches en 1994, et devient professeur à l’Engref (fusionnée en 2007 avec AgroParisTech). Il élabore alors les fondements théoriques de l’analyse stratégique de la gestion environnementale (ASGE), qui a fait des émules auprès de toute une génération de chercheurs et d’acteurs de l’environnement.

Un héritage important dans la pensée de l’environnement et de sa protection

Sa pensée part de l’idée que l’insuffisance de l’action pour l’environnement n’est pas (seulement) due à un déficit d’information ou de communication menant à une coordination imparfaite d’acteurs poursuivant le même but collectif. Ses approches sont traversées par une attention aux stratégies d’acteurs, et il combat la tendance de l’époque à ce qu’il appelle « l’hâtrologie », soit le fait de globaliser les problèmes et les systèmes d’acteurs dans un « nous » indistinct, un collectif flou. Cela le conduit à conceptualiser le principe des « acteurs d’environnement » et l’existence de résistances organisées et intelligentes aux changements en faveur de l’environnement, qu’il faut combattre en concevant une stratégie adaptée au contexte.

Au sein des Environment Studies, le parcours singulier de Laurent Mermet se distingue par au moins deux préoccupations centrales, qui ont guidé son exploration des terrains de recherche, des champs d’action politique, et du monde des idées :

  • s’autoriser à prendre le point de vue stratégique d’un acteur dont la mission est de protéger l’environnement, pour révéler toutes les complexités de l’action publique et de l’action collective, mais aussi comme axe de critique fondamentale des systèmes sociaux, économiques et politiques ;
  • étudier le long terme et la manière dont sont construites les représentations dans les discours et les recherches, et comment la fabrique des futurs devient elle-même un champ de bataille stratégique, particulièrement structurant pour l’action en faveur de l’environnement.

Ainsi, pour équiper les acteurs d’environnement dans leur stratégie, Laurent Mermet a apporté des idées décisives dans les champs de la prospective, de l’évaluation de politiques publiques, de la négociation , des procédures de concertation et de l’évaluation économique, qu’il a renouvelés en les concevant dans la perspective d’une intervention stratégique des acteurs d’environnement.

Il a inspiré plusieurs dizaines de chercheurs ou d’acteurs d’environnement, diffusant ses idées auprès de générations d’étudiants, et transformant ainsi, discrètement mais profondément, la pensée et le débat environnemental en France. Il avait découvert, ces dernières années, la puissance et l’intérêt de la vidéo pour faire essaimer sa pensée et dialoguer avec le monde, et alimenté avec passion une chaîne Youtube dont l’audience croissante le réjouissait.

Possédant une culture aussi éclectique que profonde, fréquentant les philosophes de l’Antiquité dans leur langue, il a constamment élargi sa pensée et en a généreusement fait bénéficier son entourage, tout en approfondissant sa propre démarche philosophique et spirituelle. Atteint fin 2018 par une maladie fulgurante, il a sidéré ses proches par son courage et sa sérénité dans la préparation de sa propre disparition, et a quitté ce monde dans l’amour et la paix le 16 juin après-midi.

Anciens doctorants, anciens étudiants, collègues, amis, nous sommes tous très tristes et adressons toutes nos pensées à la famille de Laurent.

Ce que Laurent nous a laissé en héritage continuera d’inspirer nos actions, nos réflexions, nos stratégies et de se diffuser auprès des étudiants, militants, chercheurs, acteurs qui mettent leur passion et leur énergie au service de l’environnement.

Tribute by AScA

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Laurent Mermet et AScA : un passage de témoin

Laurent Mermet, fondateur d’AScA, est décédé le 16 juin dernier. Il y a seulement quelques mois, nous avions pu fêter les trente ans d’AScA en sa compagnie et nous nous sentons, aujourd’hui, comme orphelins.

Laurent Mermet avait créé l’entreprise où il aimerait travailler pour porter haut les questions environnementales dans l’action publique.

Après avoir racheté l’entreprise il y a vingt ans, les salariés d’AScA ont adapté le projet de Laurent et ont pu l’enrichir. Ce faisant, ils sont restés fidèles aux principes initiaux qu’il avait déclinés de responsabilité individuelle et d’exigence collective, pour partager les succès comme les échecs de la vie professionnelle.

Les développements théoriques et méthodologiques de Laurent, fondés sur le caractère singulier des acteurs d’environnement en tant qu’acteurs minoritaires de changement, ont beaucoup inspiré les approches et méthodes développées par AScA. Ses démarches et son esprit critique nous accompagnent toujours aussi vivement et « Stratégie pour l’environnement » — qu’AScA a retenu comme slogan — résume bien à la fois le projet social et politique que nous poursuivons à sa suite. Pour longtemps encore.

Tribute by the academic journal « Négociations »

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In memoriam. Laurent Mermet (1955-2019. Dans Négociations 2019/2 (n° 32), pages 5 à 10

Laurent Mermet est décédé le 16 juin 2019 après avoir affronté pendant plusieurs mois un cancer qui a fini par l’emporter. Il était un fidèle soutien de la revue Négociations, tant par ses écrits  qu’au travers de la participation à des moments-clefs de son développement et des évènements qu’elle organise (Colloque de Cerisy en 2008 ; Journée d’étude à Sciences Po en 2010 consacrée à la multi-latéralité ; Colloque de Périgny en 2012 ; Colloque de Royaumont en 2017, etc.).

Ce qui frappait, lors d’entretiens en tête à tête, était son œil perçant, à la fois passionné et amusé, presque taquin. Marlène Thomassian, doctorante avec Laurent Mermet, raconte une anecdote édifiante à ce sujet. Alors qu’ils avaient tous les deux une discussion autour de cette thèse, qui a duré plus d’une heure, une voisine de table s’adresse à eux en leur indiquant qu’elle a trouvé l’échange passionnant et qu’elle n’a pas réussi à quitter le café avant ! Rendre passionnant pour une personne profane un échange directeur de thèse / doctorante, voilà qui n’est pas ordinaire…

Laurent Mermet a été élève à l’Ecole Normale Supérieure (Ulm) en écologie végétale. Il indiquait sur son site web qu’il avait pris conscience que le frein à un meilleur respect de l’écosystème n’était pas scientifique mais politique et sociétal. C’est ce qui l’avait décidé à orienter sa carrière dans cette direction.

Professeur en gestion (à AgroParisTech) dans des mondes où cette discipline est souvent perçue de manière réductrice comme une science de l’optimisation des gains, il est à la fois l’un des contributeurs majeurs au champ de la concertation (débat public, participation, etc.) mais aussi de la négociation. Or, ces deux champs ont tendance à s’ignorer assez largement (à l’exception de quelques collègues de la revue Négociations et, aux États-Unis, de Larry Susskind, par exemple).

5Concernant la concertation, il a dirigé des programmes de recherche de grande envergure et notamment le programme Concertation Décision Environnement (2005 et 2012). Cette recherche constitue une très riche sociographie de la concertation et du débat public. L’ouvrage publié chez De Boeck en 2015 avec Denis Salles, Environnement : la concertation apprivoisée, contestée, dépassée, en reprend les points saillants. Ces programmes permettent d’instruire en finesse, notamment, l’épuisement des espaces de concertation : concertation qui vient trop tard, en aval ; engagements faibles sur la suite à donner, etc. La situation médiatique de Notre-Dame-des-Landes n’a été qu’une manifestation d’un malaise présent dans de nombreuses études de cas.

Concernant la négociation, il définissait sa contribution autour de la dialectique négociation / décision. Deux axes principaux ont été abordés. Le premier concerne l’exploration à partir d’études de cas, du rôle et de la place de la négociation dans les décisions environnementales. Le second est plus conceptuel mais prolonge le premier axe. Ses articles de 2006 et 2014 montrent le caractère mouvant, ambivalent voire ambigu de la question. Plutôt que de vouloir trouver « la » bonne démarcation, il propose de faire de ce côté mouvant un point d’entrée, et même une caractéristique centrale de la négociation. La négociation n’existe par forcément quand elle est proclamée et peut exister alors qu’elle n’est pas assumée socialement. Pour le chercheur, étudier la négociation sous cet angle revient à inscrire la négociation dans une pensée complexe où l’objet d’étude reste en partie mouvant, incertain, ambigüe.

Ainsi, aux six défis proposés par Christophe Dupont pour le renouvellement de la théorie de la négociation, il ne nous semble pas exagéré d’ajouter un septième : être capable de penser le caractère mouvant et imprévisible du phénomène « négociation ». Ce défi est aussi un défi pour une revue académique comme Négociations car des chercheu.r.se.s peuvent parfois écrire sur la négociation sans l’avoir préalablement souhaité, sans s’être préalablement « équipé » théoriquement, sans avoir envie de persister dans le champ et sans penser à une revue spécialisée de ce type.

Arnaud Stimec, pour le comité de rédaction de la revue Négociations

***

J’ai connu Laurent à l’IIASA (International Institute for Applied Systems Analysis), dans la banlieue de Vienne, Autriche, où nous étions l’un et l’autre dans la mouvance de Howard Raiffa, l’un des pères fondateurs du domaine de la négociation. Il était membre du PIN (Processes of International Negotiation), organisation internationale dont j’avais contribué à la création dans les années 1990. Il avait publié un chapitre important sur la complexité dans l’un des ouvrages que j’ai dirigé.  Il parlait toujours avec beaucoup de chaleur de l’œuvre réalisée par le PIN au cours du temps c’est-à-dire sur bientôt trente ans d’activité.

Avec Laurent, Christophe Dupont et Hubert Touzard, nous avions, dans les années 90, fondé le GFN (Groupe Français de la Négociation) qui s’était réuni régulièrement pendant une dizaine d’années afin de nourrir une réflexion sur la négociation de ce côté-ci de l’Atlantique. Nous avions débouché sur un ouvrage collectif dit « à quatre mains » dans lequel il avait rédigé un chapitre dans l’un des domaines où il excellait : les négociations complexes sur l’aménagement et l’environnement .

Ce que je retiens de plus marquant dans sa personnalité, lui que j’ai eu le privilège de côtoyer pendant de nombreuses années, c’est son insatiable curiosité intellectuelle, sa capacité à faire naître de nouveaux questionnements, renouveler les problématiques, à « plier ensemble », selon sa formule, les multiples dimensions de la négociation. Son côté ironique et parfois « irrévérencieux » lui apportait une indéniable valeur ajoutée, lui donnait un relief particulier et lui faisait tenir un rôle tout à fait unique dans le développement du domaine. Il laissera non seulement un souvenir ému mais une trace profonde et durable dans la recherche. La meilleure façon pour lui de ne pas tout à fait nous quitter.

Guy Olivier Faure

***

I join my colleagues in expressing deep sorrow at the untimely passing of Laurent Mermet. Although I did not know him well, I remember him from several events over the years linked to Revue Négociations.

We shared an interest in negotiated decision making in the face of complexity, especially with respect to the natural environment. He studied the many challenges we face in making public decisions that protect it. He has contributed to this field since the 1990s. I found his theoretical work and case studies on collective action for environmental management (for example, 1992, 2001 and 2005) to be extremely valuable in advancing the field. His thinking on the valuation of ecosystems services (e.g., 2013) has also been very notable. I am surely not the only one who will miss his personality and his insightful contributions to lively discussions.

Sanda Kaufman, université d’Ohio

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Ma mémoire de Laurent Mermet me ramène au Colloque de Cerisy-la-Salle, organisé en 2008 par la revue Négociations. J’avais été très impressionné par la présentation de Laurent qui portait sur la négociation comme mode de composition Ce cadre conceptuel a beaucoup influencé mon écriture de la partie traitant des processus de négociation dans la seconde édition de l’ouvrage, rédigé avec Christian Thuderoz, Sociologie de la négociation, publiée en 2011 aux Presses de l’Université de Rennes. Pour son inspiration et sa grande gentillesse, je conserve de Laurent un souvenir indélébile.

Reynald Bourque, université de Montréal

***

J’aimais discuter avec Laurent – et je l’ai trop peu fait. J’appréciais en lui, qui m’avait précédé sur le chemin de l’étude de la décision négociée, sa capacité à énoncer clairement des enjeux théoriques, ou à modéliser de façon élégante des processus complexes. Grâce aux lignes et aux colonnes de ses tableaux, avec, à leur intersection, des exemples ou des concepts, ce qui nous apparaissait confus, compliqué et complexe l’instant précédent prenait alors du sens. L’écoutant, nous mesurions combien la pensée de Laurent, formidable pédagogue et modélisateur limpide, était une pensée en mouvement, relationnelle et non dogmatique. Là où certains d’entre nous – et j’étais parfois de ceux-là – s’efforçaient de préciser les concepts, de définir les pratiques sociales en les délimitant, Laurent nous invitait au chemin inverse. Ainsi Laurent nous honora-t-il, deux ans à peine après la création de la revue Négociations, d’une courte Note à propos de la « concertation ». Elle figure aujourd’hui parmi les articles les plus téléchargés. Il nous y invitait à désigner une pratique sociale de rapprochement de points de vue ou de prise de décision, « par un mot flou, qui ne la qualifie pas encore », aux fins de « disposer d’un mot générique, inclusif », « d’un terme flottant pour ne pas définir a priori de manière rigide le champ pris dans son ensemble.  Etudiant la négociation sociale contemporaine, je constate que cette manière de procéder est d’une grande heuristique. C’est ainsi que travaillait Laurent : au plus près des acteurs sociaux et au plus près des concepts, mais en les articulant de façon dynamique, de façon à ce que les actions des uns gagnent en consistance une fois qu’elles ont été progressivement (mais correctement) nommées, et que les concepts qui les singularisent gagnent également en puissance, dès lors qu’ils reflètent la richesse et la diversité de ces actions sociales.

Christian Thuderoz

Notes

  • [1]Articles de Laurent Mermet parus dans la revue Négociations : « Et si les “gagnants-gagnants” avaient “gagné-perdu” ? Pour une comptabilité analytique des enjeux de la négociation », Négociations, 3, 2005/1 ; « La “concertation” : un terme flottant pour un domaine mouvant ? », Négociations, 5, 2006/1 ; « La négociation comme mode de composition dans les systèmes d’action complexes », Négociations, 12, 2009/2 ; « Un tramway pour Cancun : quelles perspectives pour la recherche en négociation sur les dossiers environnementaux complexes ? », Négociations, 17, 2012/1 ; « L’ambivalence et l’ambiguïté, fondations mouvantes de la négociation », Négociations, 21, 2014/1.
  • [2]Deux précieux documents vidéos montrent Laurent Mermet développer sa pensée : http://www2.agroparistech.fr/podcast/Laurent-Mermet-ASGE.html et https://www.lecese.fr/content/questions-laurent-mermet-agroparistech-francois-rousseau-societe-francaise-de-prospective-et-remi-lallement-france-strat
  • [3]Programme Concertation Décision Environnement : http://concertation-environnement.fr
  • [4]Christophe Dupont, La négociation post-moderne, Publibook, 2006, p. 150.
  • [5]Guy-Olivier Faure, Unfinished Business : Why International Negotiations Fail, Athens, GA, Georgia University Press, 2012.
  • [6]Voir : https://www.youtube.com/watch?v=SitI0MXYrxc
  • [7]Guy Olivier Faure, Laurent Mermet, Hubert Touzard et Christophe Dupont, La négociation – situations et problématiques, Paris, Nathan, 1998, 208 p. (Réédité chez Dunod sous le titre La négociation – situations, problématiques, applications en 2000).
  • [8]Laurent Mermet, « La négociation comme mode de composition dans les systèmes d’action complexes », Négociations, 12-2, 2009, p. 119-130.
  • [9]Laurent Mermet, « La « concertation » : un terme flottant pour un domaine mouvant ? », Négociations, 5-1, 2006, p. 75-79.

Tribute by the Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne

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Laurent Mermet nous a quittés

Le chercheur spécialiste de concertation et d’environnement est décédé le 16 juin.

Après une formation en écologie et en gestion, il s’est engagé dans la recherche tout en fondant le bureau d’études AsCA, avant de devenir professeur à AgroParisTech.

C’est en dirigeant le programme de recherche CDE (Concertation Décision Environnement) mis en place par le ministère de l’Environnement, de 1999 à 2012, que Laurent Mermet donne une impulsion majeure et une visibilité remarquable aux recherches dans ce domaine. Dans le cadre de ce programme, il suscite également, au travers d’ateliers parfois très animés, des rencontres décisives entre chercheurs et praticiens, créant les bases d’une communauté dialoguante et apprenante que l’Institut mobilisera avec profit et développera dès sa création en 2008. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’une des premières réunions fondatrices de l’Institut a vu se rassembler une poignée de chercheurs et de praticiens dans les locaux d’AgroParisTech, sous le regard intéressé de Laurent.

Chercheur rigoureux, il a publié son dernier ouvrage (Environnement: la concertation apprivoisée, contestée, dépassée?) avec Denis Salles en 2015, tirant un bilan critique et éclairant des travaux de recherche sur la concertation menés grâce au programme CDE. Perpétuel insurgé face aux atteintes envers l’environnement, parfois pessimiste et toujours critique d’une action des pouvoirs publics qu’il jugeait dérisoire, allié exigeant des mouvements associatifs, il ne versait dans aucun angélisme et appelait chacun à un dialogue sans compromission qui n’évacue pas les rapports de force.

Tribute by the NGO « Coordination pour la défense du marais poitevin »

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Publié le 4 juillet 2019 par La Coordination

Laurent MERMET est décédé le 16 Juin 2019 à l’âge de 64 ans… et avec lui disparaît l’un des analystes les plus pertinents des stratégies de gestion des systèmes naturels, et plus particulièrement l’un des plus éminents défenseurs des zones humides.

Celles et ceux qui ont participé au colloque organisé par la Coordination les 4 et 5 Octobre 2008 sur le thème « Le Marais Poitevin, un espace à réinventer ? » ont sans doute encore en mémoire ses analyses claires et ses propositions souvent novatrices. Laurent fut aussi un compagnon de route de la première équipe du Parc Naturel Régional, qu’il avait approchée dans le cadre de sa thèse de doctorat, dont une analyse très fine du Schéma d’Aménagement des Marais de l’Ouest était un élément majeur.

Son itinéraire professionnel est exemplaire : titulaire d’une double formation en écologie (diplômé de l’Ecole Normale Supérieure) et en gestion de l’environnement (doctorat à l’Université de Paris IX-Dauphine) il a toujours eu la préoccupation de comprendre les difficultés auxquelles se heurte la gestion des ressources naturelles tout en maintenant un lien étroit entre recherche et action.

Dans un premier temps il a collaboré à différents organismes et bureaux d’étude, BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), SCORE, IIASA (International Institute for Applied Systems Analysis) avant de créer son propre bureau d’étude, AscA (Application des Sciences de l’Action). Il va alors intervenir sur les dossiers de barrages projetés dans le sud-ouest, dont la justification technico-économique est pour le moins discutable ; puis il réalise la première évaluation de la politique des zones humides en France, qui sera une étape dans la politique environnementale du pays, avant de s’intéresser au dossier de la disparition de l’ours dans les Pyrénées.
Après avoir obtenu son habilitation à diriger des recherches en sciences de gestion il est recruté comme professeur par l’ENGREF (Ecole Nationale du Génie Rural, des Eaux et des Forêts) où il crée un groupe RGTE (recherche en gestion sur les territoires et l’environnement) en liaison avec le CIRED (centre international de recherche sur l’environnement et le développement).
En 2007, à la création d’AgroParisTech, il prend la présidence du Département de Sciences Economiques, Sociales et de Gestion, où il crée un mastère spécialisé en Politiques publiques et Stratégies de l’environnement. C’est là qu’il va élaborer les fondements théoriques de l’analyse stratégique de la gestion environnementale (ASGE) qui va marquer toute une génération de chercheurs et d’acteurs de l’environnement.
Il a également été chercheur au CERSES (Centre de recherche sens, éthique et société), puis au CESCO (Centre d’Ecologie et des Sciences de la Conservation). Il a par ailleurs été membre de plusieurs Conseils scientifiques, notamment à l’IDDRI (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales), au Conservatoire du Littoral et à la Tour du Valat.
Au titre de ses différentes responsabilités il a collaboré et entretenu de riches échanges avec des chercheurs à l’international, en particulier des Universités d’Oxford, Cambridge et Stanford.

La simple lecture de ce « parcours » exceptionnel suffit à illustrer, au-delà de l’éclectisme et de la polyvalence de Laurent, son souci constant de partager et de transmettre ses connaissances et ses questionnements.
Il a ainsi marqué profondément l’approche de l’environnement et de sa protection en France.

Article in Mediapart (LE BLOG DE SYLKFEAAR)

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Le 6 mars 2020, by SYLKFEAAR

Le « refoulement du distributif » (Hommage à Laurent Mermet)

En 2018, Laurent Mermet, enseignant en sciences politique et gestion de l’environnement, nous mettait en garde concernant un « oubli » inscrit au cœur des discours traitant de la crise écologique. Il me semble urgent de diffuser les analyses de ce chercheur, disparu l’an dernier, car leur pertinence s’accentue face au « retour du refoulé » qui menace la société toute entière.

Laurent Mermet n’était pas un intellectuel médiatique. Ses analyses rigoureuses ne convenaient pas à l’idéologie dominante et à ses subtils glissements. Plutôt que de cultiver la confusion entre les êtres humains et les animaux, de promouvoir la coopération et la démocratie participative, ou d’annoncer la fin du monde, il cherchait sans relâche à mieux comprendre les fonctionnements complexes de nos sociétés et leurs impacts sur l’environnement. Sa « chaine YouTube » est encore présente sur internet, grâce au soutien de ses étudiants et de ses collègues (taper sur un moteur de recherche : chaine YouTube Laurent Mermet). Ses analyses de l’année 2018-2019, concernant la démission de Nicolas Hulot, le dernier livre de Bruno Latour ou le catastrophisme de certains penseurs écologistes actuels, offrent des supports de réflexion toujours d’actualité, à la fois exigeants et respectueux de la diversité des positionnements personnels et sociaux.

« Le refoulement du distributif » est une vidéo d’une quinzaine de minutes, extraite d’une conférence plus longue, datant du 5 novembre 2018, intitulée « Qui peut agir sur qui pour éviter la fin du monde. Une réponse à Aurélien Barrau ». Dans ce petit extrait, Laurent Mermet insiste sur le fait que nous repoussons constamment l’idée qu’il y a des gagnants et des perdants dans les organisations humaines. Il va jusqu’au bout de la terrible prédiction d’Aurélien Barrau, concernant la « guerre environnementale » qui pourrait se produire, en posant la question : « comment se fait-il que nous ne la préparions pas, cette guerre, si elle doit avoir lieu ? ». Il n’y a pas de cynisme dans cette interrogation, bien qu’elle paraisse particulièrement rugueuse.  Il s’agit plutôt d’une mise en garde sur ce qui advient actuellement (sur ceux qui la préparent activement, cette guerre, sans le dire…). Ce point de vue nous appelle à plus de lucidité, sur nous-mêmes et sur le reste de l’humanité. Rappelons-nous que peu de temps après cette conférence, en novembre 2018, certains perdants de la transition-écologique-néo-libérale ont commencé à s’exprimer, sur les ronds-points et dans les rues.

Dans une autre conférence, particulièrement éclairante, intitulée « Nous n’avons jamais décollé. Une réponse au « Où atterrir ? » de Bruno Latour » (19 novembre 2018), Laurent Mermet précise encore son propos. Il reprend la question de la compétition économique et écologique pour la survie, et pointe encore son déni (le « refoulement du distributif »…). Comment expliquer que des grands scientifiques ou philosophes de notre temps (comme Bruno Latour, par exemple) éludent constamment ce fait majeur, observable aussi bien actuellement que dans l’histoire tourmentée de l’humanité ? Laurent Mermet nous donne de multiples exemples de cet évitement constant dans les discours médiatiques, évitement qui gangrène la pensée politique et scientifique actuelle, en la détournant des questions fondamentales du partage équitable des ressources. Reprenant l’idée que les USA et le Royaume Uni, chantres du libéralisme international, semblent avoir décidé d’abandonner le reste du monde à son sort pour tirer leurs épingles du jeu, il insiste sur le fait que D.Trump est parfaitement rationnel, dans ses discours et ses comportements, si on les analyse à l’aide de toutes les théories de la négociation… (Laurent Mermet participait à la revue Négociation. Sur le site de cette revue, on peut lire en ligne l’hommage qui lui est rendu par ses collègues.) Sans pour autant cautionner le sauve qui peut généralisé, le chercheur nous incite à prendre au sérieux les électeurs qui votent pour les nationalistes, dans tous les pays d’Europe comme dans le reste du monde. Car si nous refusons de prendre en compte la question « distributive » (la question du partage des revenus et des ressources dans un monde fini), d’autres le feront, d’une manière que nous ne pourrons pas contrôler.

Dans cette conférence du 19 novembre 2018 qui affirme clairement que les êtres humains ne se sont jamais détachés des ressources matérielles de leur milieu et n’ont jamais cessé de tenter se les approprier au détriment des autres (« Nous n’avons jamais décollé »), Laurent Mermet nous offre également une analyse à trois dimensions, extrêmement intéressante pour réfléchir aux options politiques et écologiques qui se présentent actuellement à nous. Le « cube » sur lequel il place les positions des différents leaders ou partis politiques internationaux semble particulièrement utile pour réfléchir à notre propre position, à celle des personnes avec qui nous discutons, et à celle des enjeux politiques français actuels (une erreur se glisse malheureusement dans son propos, qu’il corrige dans sa conférence suivante).

Entre 2000 et 2010, à la demande du Ministère de l’écologie, Laurent Mermet a coordonné et animé un programme de recherche scientifique intitulé « Concertation, Décision, Environnement ». Les conclusions de ce gros travail, qui a réuni plus d’une trentaine d’équipes de chercheurs pendant deux fois cinq ans, n’ont pas été très encourageantes quant à l’efficacité des concertations pour protéger l’environnement. Mais ces résultats n’ont jamais vraiment été pris en compte par les décideurs politiques. A moins que si, au contraire ???…. Nous observons, encore actuellement, à quel point il est utile d’organiser un « débat public » ou une « conférence de citoyens » pour ne pas prendre de décision et ne rien faire de concret sur le terrain, pendant un ou deux ans supplémentaires… Promouvoir la démocratie participative est louable en soit, pour protéger les mondes humains et sociaux… mais pour protéger l’environnement, il faut mettre en œuvre dans des lieux précis des choix techniques concrets, aux conséquences écologiques et sociales très complexes à analyser.

Laurent Mermet était un écologiste fervent, mais également un grand humaniste, respectueux des êtres humains et des différents peuples du monde. Il avait une forme d’élégance dans sa manière de mener les débats ou de s’opposer à ses collègues. Il était toujours ouvert aux apports des autres, mais ne cédait pas sur la rigueur de ses propres analyses scientifiques ou de sa propre recherche. Il ne confondait pas négociation et concertation. Il respectait les processus de démocratie participative sans pour autant abandonner la question des rapports de force et des manipulations à l’œuvre dans la compétition latente pour la survie ou l’accaparement des richesses. Dans sa conférence du 4 septembre 2018, qui traite de la démission de Nicolas Hulot, il affirme « Posons nous maintenant de nouvelles questions ». Il considère en effet que nous sommes entrés dans une nouvelle ère socio-économique, dans laquelle les croyances (y compris scientifiques…) concernant les vertus de la coopération et du consensus vont décroître… Selon lui, « il va nous falloir au moins trois ou quatre ans pour faire notre introspection ». Il ne s’agit pas de renoncer à nos valeurs démocratiques de coopération et de discussion, à nos valeurs écologistes et humanistes, promouvant la protection de la nature et la solidarité entre tous les êtres humains sur la « Terre Patrie », mais d’affronter lucidement la question du partage des ressources, pour inventer de nouvelles régulations face à la compétition forcenée toujours active. Pour ma part, j’ai bien peur que nous n’ayons pas trois ou quatre ans pour réagir. Il me semble que le « retour du refoulé » s’exprime déjà, et il se révèle particulièrement violent, quand on voit comment l’Europe se trouve incapable d’accueillir ne serait-ce que les réfugiés des famines et des guerres…

Laurent Mermet est décédé le 16 juin 2019 « suite à un cancer fulgurant, contre lequel il s’est battu avec vigueur », nous dit Clément Feger, sur la chaine YouTube que le chercheur avait mise en place pour publier ses cours et conférences. En mars et avril 2018, grâce à l’aide de Clément Feger, Laurent Mermet nous explique encore « pourquoi il est urgent de dépasser l’alarmisme bloquant ». Sans renier les lanceurs d’alerte, il récuse le catastrophisme, qui ne permet pas de se centrer sur le cadrage des actions concrètes, et sur leurs conséquences sociales et environnementales. Puis il répond à ceux qui lui demandent « Et pour sauver la planète, vous mettez quoi à la place de l’alarmisme bloquant ? ». Dans cette dernière conférence, plus longue et plus ardue que les autres, mais nourrie d’exemples concrets, il reprend son conseil de ne pas réfléchir de manière binaire (les « bons » et les « méchants », etc…) et nous propose cinq critères pour analyser chaque solution choisie, pour entrer dans le fond de chaque dossier, que ce soit un geste individuel quotidien ou une action publique de grande envergure.

La rigueur intellectuelle de Laurent Mermet ne peut plus désormais nous soutenir, en temps réel, dans nos réflexions ou nos actions. Face à la complexité des imbrications mondiales, de toutes façons, aucune solution simple ne se présente à nous, et aucun « guide suprême » ne peut nous assurer que nous prenons la bonne direction. Mais nous pouvons encore apprendre à « se poser de nouvelles questions »… pour ne pas nous laisser endormir par nos idéaux les plus chers, que les dominants de ce monde savent si bien manipuler.

Merci aux collègues et amis de Laurent Mermet qui ont mis en ligne ses cours et ses conférences. J’espère qu’ils pourront maintenir sur internet sa chaine YouTube, car ses connaissances et ses analyses me semblent particulièrement utiles en ces temps troublés. Il n’est pas trop tard pour réviser quelques classiques ou élargir ses points de vue. Petite liste, non exhaustive, des vidéos disponibles (que je n’ai pas encore consultées) :

Cours sur la négociation 2018 (14 séances)

Analyse stratégique de la gestion environnementale 2017 (12 séances)

Théories de la gestion sociale de l’environnement 2017 (12 séances)

Recherches environnementales sur la société (12 séances, 2004-2007).

Dans la conférence inaugurale du cycle RES du 19 janvier 2004, on trouve une analyse très intéressante (et assez réjouissante !) des différentes « postures de soulagement » possibles, pratiquées par les chercheurs, les scientifiques ou les penseurs pour s’insérer dans la marche du temps. Il ne s’agit pas de s’en moquer mais d’en être conscients, pour « ouvrir de nouveaux espaces critiques », comme le suggère Laurent Mermet. En 2004, il considérait qu’il fallait opérer un « retour vers la posture critique« ,  abandonnée selon lui par la recherche en sciences de l’être humain et de la société sur toute la période 1980-2000…  En 2019, quinze ans plus tard, une véritable critique nouvelle semble avoir encore beaucoup de mal à s’élaborer et plus encore à se faire entendre.